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Essai Aston Martin DB11 : l’attente récompensée

Le métier d’essayeur automobile n’est pas toujours marrant, surtout lorsqu’il s’agit de prendre le volant d’une Aston Martin. Non, ne vous méprenez pas, prendre le volant d’une Aston Martin est un plaisir. Le problème, c’est d’arriver jusqu’à son volant, entre les disponibilités de la voiture qui parcourt l’Europe et celles de votre serviteur qui parcourt l’Europe également… Il nous aura fallu plusieurs mois, à cette DB11 et moi-même, pour enfin organiser le rendez-vous tant attendu.

Texte : Étienne Rovillé - Photos : Étienne Rovillé

La rencontre se fait à Paris, de façon un peu banale à la sortie d’un parking souterrain, par temps gris. La couleur Marron Black paraît surtout noire et ce n’est pas ici que je vais pouvoir détailler cette nouvelle carrosserie. Je range mes quelques affaires dans le coffre. Celui-ci a très nettement grandi depuis la DB9, passant à 270 litres (173 litres pour la DB9). Puis j’ouvre la portière, qui se lève légèrement, fidèle à la marque.

Un accueillant cocon

J’entre dans le luxueux habitacle tendu de cuir couleur sable et m’installe dans le superbe siège baquet. Ce dernier flatte l’œil avec son option Celestian Perforation autant qu’il moule le dos et les hanches de belle manière. Pour parfaire la position de conduite, les commandes électriques me permettent de tout régler, jusqu’à la largeur de l’assise, offrant ainsi un excellent maintien. Je remarque immédiatement l’espace intérieur en nette hausse par rapport à la DB9 ; que ce soit à la tête ou aux épaules, les grands gabarits sont enfin les bienvenus.

La console centrale, recouverte de laque Noir Piano, est très esthétique et propose des boutons sensitifs que l’on n’a absolument pas envie de toucher de peur d’y laisser des traces de doigts. Ça ne loupera d’ailleurs pas. Plus bas, nous découvrons un pavé tactile ainsi qu’une molette tout droit issus de chez Mercedes. Outre le fait que c’est presque incongru de retrouver exactement le même système que dans une « simple » Classe C – certes habillé de cuir ici – c’est également dommage d’avoir récupéré un système d’infodivertissement que je continue à juger peu ergonomique.

Sur le haut de la console centrale se trouve le bouton « démarrer », que j’actionne enfin, réveillant de façon étonnamment sage le V12. Face à moi, la nouvelle instrumentation digitale s’allume. C’en est fini des deux compteurs aux aiguilles inversées. Pour autant, c’est une réussite esthétique en plus d’être parfaitement lisible.

Je me mets en mode automatique et entame ma sortie de Paris en direction de la Sologne, au sud d’Orléans.

Presque une citadine

Le mode GT est parfait pour une utilisation souple. Le moteur se montre discret, le confort bien présent en dépit d’un amortissement un peu ferme, la direction souple et précise et la boîte automatique douce. Malgré des dimensions conséquentes et une puissance disponible impressionnante, la DB11 se conduit avec une facilité déconcertante, se jouant des pavés et des affres de la conduite urbaine. Je suis bien installé dans mon cocon à l’insonorisation parfaite, préservé de la cacophonie qui se joue dehors, profitant de l’impressionnant système audio Bang & Olufsen BeoSound de 1 000 watts.

Je m’échappe rapidement de la ville pour lancer la GT sur l’autoroute. Là encore, le mode GT s’impose. L’Anglaise semble dans son élément, filant sur le bitume parfait avec une stabilité à toute épreuve. Néanmoins, il est temps de voir ce dont le coupé est capable sur les routes sinueuses qui me mèneront de la Sologne au Sénonais.

Le changement dans la continuité

Mais avant ça, je me gare et sors enfin admirer les lignes fluides et musculeuses de mon destrier. Du premier coup d’œil nous reconnaissons une Aston Martin, sans doute de trop pour certains qui pourraient juger l’évolution encore frileuse. Pourtant, tout a changé, tout a évolué, de l’avant plus présent avec ses feux pleins de caractère aux ailes larges en passant par le profil très fluide et l’arrière fuyant. À l’arrière, justement, la forme des feux confère beaucoup de force avec cette impression de largeur accentuée. Aston Martin a su dynamiser son dessin, apportant du tempérament sans tomber dans l’excès, se hissant avec jouissance au-dessus du vulgaire et offrant toujours cet ineffable pouvoir de séduction. Une dernière vue sur l’arrière et ses deux sorties d’échappement me rappelle que je n’ai toujours pas profité de leurs vocalises.

Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage

J’enclenche donc le mode Sport + tant pour l’amortissement que pour le moteur. Ce dernier se fait immédiatement plus volubile et tonne d’un air grave et puissant. Les 608 ch issus des 12 cylindres gavés par deux turbos sont prêts à répondre à la moindre de mes sollicitations. La boîte automatique ZF à 8 rapports se fait plus réactive, mais je décide de passer en mode manuel, via les palettes au volant.

Les près de deux tonnes en ordre de marche, essayeur inclus, se font totalement oublier tant les 700 Nm de couple, disponibles dès 1 500 tr/min, dispensent une force omniprésente. Presque trop d’ailleurs, la pédale de droite devient un objet à manier avec une certaine délicatesse. Je ne me retrouve pas au volant d’une de ces voitures modernes de plus de 500 ch où la puissance passe au sol, quelle que soit la pression sur l’accélérateur. Avec la DB11, un appui trop franc est sanctionné d’une dérobade du train arrière, rattrapé par les aides tant qu’elles ne sont pas désactivées. Il y a chez la DB11 de l’atavisme, un rappel étonnant au comportement de la rarissime Aston Martin V8 Vantage V600 Le Mans, disparu depuis.

Pour ceux qui ne se souviennent pas de la « Le Mans » : En 1999, Aston Martin produit cette série très exclusive de seulement 40 exemplaires, célébrant les 40 ans de la victoire de la marque aux 24h du Mans en 1959. Sous son capot, la Vantage V600 renfermait un V8 de 5,3 l à double compresseur de 600 ch et 820 Nm. Les performances annoncées se révélaient hors normes avec un 0 à 100 km/h abattu en 3,9 secondes et une vitesse maximale de 322 km/h. Des chiffres étonnamment d’actualité, non??

Si la DB11 propose un V12 et non un V8, la vitesse de pointe et le sprint sont les mêmes, la cylindrée et la puissance similaire, le couple dantesque et les deux sont doublement suralimentés. Leur comportement est d’ailleurs très proche, nécessitant d’envoyer la DB11 dans les virages avec un bel appel du frein. La conduite sportive n’est pas de tout repos et demande une phase d’adaptation, le temps de comprendre les réactions, de distiller le bon dosage sur le frein et l’accélérateur. De prime abord, la nouvelle venue paraît presque trop sauvage, bien loin de l’idée que l’on se fait d’une GT cossue. La DB9 était bien plus simple à emmener vite, mais du coup moins valorisante. Après une belle balade de 500 km aussi calme au début que sportive par la suite, il est temps de rentrer à Paris pour une dernière virée nocturne avant de rendre la belle Anglaise.

L’Aston Martin DB11 propose deux personnalités très différentes. D’un côté, nous avons la GT confortable, discrète, facile à conduire et prête à avaler les kilomètres. De l’autre, nous avons une super GT, assez caractérielle et demandant du temps et de l’implication pour être pilotée correctement, avec laquelle la force ne mène pas à grand-chose, si ce n’est une perte de temps.

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